Le défi de la production de blé tendre au Sénégal
Les résultats de la campagne engagée en novembre 2023 pour produire du blé tendre au Sénégal sont peu encourageants.
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Comme de nombreux pays africains qui importent 100 % du blé tendre utilisé pour la fabrication de farine, le Sénégal a décidé de lancer un vaste programme pour développer cette culture, avec des semences locales ou égyptiennes. Un défi important pour diminuer les 800 000 tonnes d’importation annuelle.
« Dans notre pays, le pain fait partie du patrimoine national et de la vie quotidienne, précise Victor Gérard Tine, agriculteur. Nous en consommons à chaque repas. Son prix est un enjeu politique majeur. Notre nouveau gouvernement en fait une priorité pour le pouvoir d’achat du peuple. » Signe des temps et de l’inflation alimentaire, la consommation de sandwich en remplacement d’un repas a explosé depuis le début de l’année.
Une initiative nationale modeste
Seconde céréale la plus consommée au Sénégal après le riz, la production de blé tendre est devenue un objectif politique majeur avec des essais depuis une décennie. Mise en place en novembre 2023 dans la région de Saint-Louis, la campagne est à l’initiative de l’Institut sénégalais de recherche agricole (ISRA) et de plusieurs semenciers internationaux.
Cette campagne, avec des semences en provenance de l’Égypte, a été lancée à grand renfort médiatique par le ministre de l’Agriculture, de l’Équipement rural et de la Souveraineté alimentaire, Aly Ngouille Ndiaye. La récolte vient d’avoir lieu. Si elle semble très prometteuse selon les autorités locales, cela reste un épiphénomène au niveau de la quantité nécessaire.
Quatre variétés testées sur 500 hectares
Les essais portent sur moins de 500 hectares avec quatre variétés sélectionnées. L’objectif de 1 000 hectares en production en 2024 a été fixé. Pas de quoi révolutionner l’approvisionnement pour l’industrie locale. « Cela semble un doux rêve qui fait beaucoup parler », précise Franck Bavard, directeur général des Grands Moulins de Dakar, principal meunier du pays. Son entreprise reste très à l’écoute et partenaire de ces démarches.
« Nous leur apportons un soutien technique en leur fournissant notre laboratoire de renommée internationale et une aide financière avec un accord d’acheter au prix international les productions. » Force est de constater que les premiers résultats sont limités, voire décevants. Si le taux de protéines est très satisfaisant, plus de 16, les rendements sont faibles, 2,5 t/ha. Le PS et l’indice de chute de Hagberg sont peu compatibles avec la production de farine.
Des conditions peu propices
Le devenir d’une filière sénégalaise du blé est très aléatoire pour des raisons essentiellement de climat, notamment à cause de la période de vernalisation, impossible dans un pays comme le Sénégal. Alain Bonjean, spécialiste mondial du blé, fondateur et coauteur du Wheat world book, est catégorique. « Faire pousser du blé tendre au Sénégal de façon efficiente et régulière est extrêmement difficile, même si l’on constate des progrès, prenant en compte les derniers résultats de sélection explorant la biodiversité de l’espèce, l’exploration de nouvelles dates de semis, et de méthodes d’irrigation. »
Dommage pour le pays, car l’ensemble de la filière est prêt. « Si demain, nous avons des signes positifs en termes de rentabilité, nous passerons au blé sans-souci », sourit Victor Gérard Tine. « Nous avons les terres pour. Acquérir les techniques agricoles et l’agronomie pour cette culture ne posera aucun problème. Là où il y a de l’eau, il y aura du blé. »
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